jeudi 11 novembre 2010

Déconnecter de la réalité veut dire quoi, Dominique Morin?

Laissons, pour l'instant, la question de cannabis strictement à côté. Le peu que j'en sais de propre expérience est qu'il y a un stade euphorique comme chez le vin, et un stade au delà de l'euphorie, que je juge plus dangéreuse que l'au-delà de l'euphorie chez le vin. D'observations très sporadiques je sais qu'un homme qui en a beaucoup consommé par les années peut devenir assez fou, à moins que c'étaient des démons de l'enfer qui l'avaient trompé sur un vaisseau spacial. Mais je ne sais pas s'il s'est contenté de la stade euphorique ou s'il est systématiquement allée au-delà. Ni de quels autres choses il se soit saoûlé, dont probablement l'alcool en quantités plutôt nordiques que françaises.

La question dont je parle s'appelle internet. Il touche juste quelques lignes de votre message blog à propos la Californie. Celles-ci, avec la note en bas de page:

Plus sérieusement, derrière cette mascarade se cache un immense appétit de manipulation des consciences. Les jeunes sont un formidable enjeu idéologique et économique. En contribuant à les déraciner de leurs familles et de leurs identités, en les déconnectant du réel (4), les emprisonner dans une quête insatiable de plaisir et d’oubli les déstabilisera suffisamment pour les rendre plus dociles et perméables aux manipulations.

(4) Internet, les jeux vidéos et la communication virtuelle y contribuent déjà très bien.


Semblablement il y a donc quatre choses, en réalité juste trois, qui contribuent à:


  • déconnecter les jeunes du réel,
  • les déraciner de leurs familles et de leurs identités,
  • les emprisonner dans une quête insatiable de plaisir et d'oubli
  • et les rendre dociles aux manipulations, déstabilisés ...


Car internet se divise déjà en deux choses: jeux vidéos, communication virtuelle. La troisième chose est bien sûr celle que je viens d'aborder très brièvement, le hachiche.

Un jeux vidéo n'est bien sûr pas lié à l'internet, elle peut également être lié à un console playstation. Les parents de lou (connue de journal infime) en sont fanatiques.

Et la communication virtuelle ne l'est pas non plus, car à part celle par internet, il y a celle par téléphone, par téléfax, par télégramme, par courrier classique sur papier, celle par journaux, celle par télévision, celle par radio, celle par cinéma, celle par dessins animés, celle par BD et celle par livre, en vers ou en prose, en fiction, en documentaire ou en texte de faculté. N'oublions pas celle par conférence ou école, dans la mesure, bien sûr, que le conférencier ou prof ne communique pas ses propres pensées mais celles d'un autre, d'un auteur ou d'une autorité - comme le fait le prêtre chaque fois qu'il reprend les mots de Notre Seigneur ou d'un quelconque auteur reconnu par l'Église, ou tout simplement de son professeur au séminaire.

Pourquoi est-ce de la communication virtuelle plutôt que réelle, tout ça?

Parce que: par téléphone on ne se voit pas de figure, ceux qui communiquent, ni par fax ou télégramme, ni par chat et ni par courriel ou courrier classique. En tous ces cas, on communique mais on ne se parle pas dans un vis-à-vis réel. On n'est pas en train de boire, manger ou fumer les mêmes choses (anodines, euphoriques ou dangereuses) sauf par hasard ou par connivence préalable, et on n'est pas en train de regarder le même paysage.

Par journal, par télévision, par radio, on est encore davantage coupé de la communication réelle, vu que les consommateurs ne sont pas capables de communiquer avec celui qui tient le programme sauf par son ingérence comme rédacteur ... à PRÉSENT (qui a reproduit votre article blog) c'est bien Caroline Parmentier qui décide combien de lettres seront répondues et lesquels - dans le cadre de l'espace accordé chaque jour, item pour les spectateurs en téléphone pour les programmes radio ou télévision, là le rédacteur doit faire face à un certain marge de surprise. Il sait d'où vient l'appel, de quelle ville ou même pays, mais pas qui appelle. Pourtant, le nombre de spectateurs qui appellent et ceux qui ont leur appel télévisé ou diffusé par radio est en raison tellement inégale que la plupart des spectateurs ou auditeurs trouvent plus sage et réaliste de ne pas même appeler. D'où le ton habituellement un peu exalté des spectateurs qui réussissent quand même de s'écouter "en double" à travers la télévision ou la radio.

Le cinéma, y compris le dessin animé est un peu autre chose: à la différence des média quotidiens on y va par un choix, l'autre choix étant par exemple un concert ou un dîner au resto. Mais là, la possibilité de communiquer avec "les communicateurs" est presque moindre que pour les programmes de télé ou radio ou pour le journal. Sauf par le fan-mail, on écrit à son acteur ou dessinateur ou réalisateur favori, on a quelques chances (quoique très affaiblis) de voir six mois ou un an plus tard ses réactions incorporées dans la base de la prochaine production. Plus on vit avec l'esprit transmis par la production, plus agrandit cette chance. On écrivit une lettre à Elvis - à l'époque - et peut-être c'est cette lettre là qui l'a influencé de choisir Acapulco comme scène de Fun in Acapulco. Juste peut-être. Mais pas si la lettre était chagriné sur le thème elvis-the-pelvis, ça c'est sur. Et la production télévisée de La Petite Maison sur la Prairie se prenait quelques libertés vis-à-vis les livres, peut-être quelques décisions, par exemple de soigner l'alcoolique avec la prière, sont prises par lecture des lettres d'admirateurs ou d'admiratrices, mais presque certainement pas par la lettre d'un non-admirateur, comme quelqu'un qui aurait jugé la série mièvre parsque autre et moins rock'n'roll que Fun in Acapulco.

La bande dessiné et le livre sont encore autre chose. On peut s'y infuser (c'est ma nostalgie du bon thé acheté en hecto et infusé en théière doublé de mon français défectueux qui me suggère ce choix de mots) jusqu'à l'immersion, mais on peut également en interrompre la lecture, que ça soit par rapport à la mamie qui appelle au repas ou que ça soit par rapport à un ami qui appelle sur la téléphone ou que ça soit sur satiété (mauvais augure pour la lecture continuée après la pause alors) ou autre cause, même le sommeil. On peut choisir de ne pas revenir - comme pour Crime et Châtiment ou quelque thèse marxiste trop sèche (il y en a qui sont lisibles quoique erronnées dans la doctrine) - ou de revenir souvent - comme pour le Seigneur des Anneaux ou les documentaires de Thor Heyerdahl.

Et, il y a aussi la communication virtuelle par internet. Un blog est souvent comme un journal. Un vidéo est comme un cinéma. Il y a même des blogs en bandes dessinées. Mais ils s'approchent tous au livre, en tant qu'il reste possible d'y revenir. Et ils s'approchent au mail en tant que c'est possible d'y ajouter des commentaires.

D'où vient donc cette idée que la communication virtuelle précisement par internet mais pas par livres ou télévision serait délétère pour le "sens de la réalité" ou l'enracinement dans sa famille? Serait-ce que par hazard les vieux de la famille trop souvent sont nostalgiques de la seule occasion qu'il leur est arrivée d'avoir un commentaire publié dans un journal ou d'être écoutés par radio ou télé? Serait-ce que ces vieux trouvaient normal précisemment la coté unilatérale de la communication, le fait que la publication d'un commentaire fait par eux était une chose à célébrer comme une réussite, tandis que pour les commentaires sur les blogs ou les statuts en FB, ce qui compte est d'avoir les commentaires auquels répond l'écrivain ou qui trouvent faveur chez les lecteurs du même statut FB?

Pour les psychiatres il y a une autre coté: en tant qu'ils sont apparentés à Miviludes ou au socialisme scientifique, ils sont contre l'internet et ses effets sur le "sens de réalité" précisemmment comme ils sont contre les lectures d'auteurs du premier siècle (Sts Matthieu et Jean, Flave Josèphe ou Tite-Live) ou du treizième (St Thomas d'Aquin, St Bonaventure, Dante Alighieri après ou St François avant eux). Ou certains oeuvres du XXe, comme sur la Cristiade ou les enfants de Fatima: par ce qu'ils détestent voir la pensée unique marxiste sérieusement mise en question ou niée.

Hans-Georg Lundahl
Paris/Beaubourg
St Martin de Tours et
Armistice de 18

11/XI/2010